• Brèves de Solitudes, Sylvie Germain

    J'apprécie cette auteure; ici le sujet est un peu attendu, solitudes en temps de confinement, mais certains passages sont magnifiques . En voici un passage où Serge, l'un des nombreux personnages, rend visite à sa mère, d'origine russe, en maison de retraite et lui apporte les gâteaux qu'elle aime. "Quand il était petit, il aimait que sa mère lui raconte des histoires, en boucle. Encore, encore! suppliait-il aussitôt le conte achevé, et elle devait recommencer de zéro, sans omettre un passage, pas même un mot, car il connaissait par coeur le récit. Le délice était dans la voix de sa mère. Fénia, à la voix chaude et légèrement voilée.  A présent, tout ce qu'elle a aimé s'est effacé. Elle n'a que, quelques points de fixation, une strophe d'un sonnet de du Bellay, qu'il lui arrive de déclamer tout à trac au milieu d'une conversation, ou du moins de ce qui en tient lieu, en respectant l'articulation des diérèses:

    Si oncques de pitié ton âme fut atteinte

    Voyant indignement ton ami tourmenté

    Et si oncques tes yeux ont expérimenté

    Les poignants aiguillons d'une douleur non feinte..."

    Et là, elle cale et s'arrête épuisée."

    La fois d'après Serge ne pourra plus rendre visite à sa mère en raison des règles sanitaires et ses gâteaux lui restent sur les bras. Ce fils aimant et cette vieille femme qui s'accroche désespérément à quelques vers de poésie sont particulièrement touchants. Ce "oncques" inusité aujourd'hui qui signifie "jamais" redevient vivant dans sa bouche et semble rejoindre les tréfonds de sa mémoire oubliée. 


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