• Il commence à faire froid, la nuit tombe tôt, la chouette hulule dans le noir et la Saint Nicolas approche.. C'est le moment des contes.


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  • Voici l'histoire qu'Eléonore m'a racontée:

    "J'étais jeune femme en ce temps-là et j'allais à l'estive avec mon fils rechercher les brebis pour la traite. Le temps était frais et la brume montait jusqu'au faîte des arbres les plus hauts. Sur l'estive que l'on voyait se dessiner au loin, le soleil était automnal; c'était la fin de l'après-midi. Nous avancions d'un pas léger et joyeux dans la montée, quand nous entendîmes subitement des bruits étranges, des couinements, des ronflements, des craquements, comme si quelqu'un remuait en pleurant dans les broussailles. Mon enfant, intrigué, s'approcha, s'approcha encore, et dans la lumière tamisée du sous-bois, il aperçut, sur une litière de feuilles sèches, un ourson de quelques jours. Deux oreilles dressées, un museau allongé et des yeux noirs et ronds comme des boutons. Hésitant, chancelant, il cherchait sa mère dans tous les recoins de sa litière.

    - Ne le touche pas dis-je à mon fils, viens allons-y.

    L'enfant marqua une hésitation, et après un regard sur l'ourson qui lui semblait inoffensif, s'en retourna,  déçu. Trop tard! L'ourse apparut sur le chemin. Une bête énorme, aux formes massives, au poil épais et dru, aux griffes acérées, longues de plusieurs centimètres et qui l'eut déchiqueté d'un seul coup de patte. Elle voulait rejoindre son nouveau-né, et nous découvrait sur son passage. Flairant un danger,  elle se dressa de toute sa hauteur et s'avança, menaçante, découvrant des dents de carnassier vers mon enfant pétrifié par cette apparition. Bien frêle et démuni face à l'animal , il hésitait à fuir. 

    - Marche jusqu'à moi lentement, Ne cours pas dis-je, ne crie pas, n'aie pas peur, et je ne cessais de regarder l'ourse, la toisant, comme pour la tenir à distance.

    En deux sauts, elle eut pu nous rattraper mais elle restait debout sur ses pattes arrière, prête au combat et comme interloquée par cette rencontre, n'avançant que de quelques pas puis s'arrêtant.  Quand mon fils m'eut rejoint, d'un pas calme  et lent, nous prîmes le chemin inverse, de la descente. Je ne cessai  de parler.

    - Ne cours pas, ne cours pas, l'ourse ne va pas nous suivre, elle veut aller voir son petit, reste calme.

    Mon enfant tremblait de tout son corps face à cette apparition terrifiante et se retenait de pleurer. Je gardais, comme miraculeusement, mon sang-froid. Je n'avais pas eu peur de l'ourse, il fallait sauver mon enfant, elle voulait protéger le sien, nous voulions la même chose finalement. 

    Nous continuâmes sans panique apparente et je parlais sans cesse, pour rassurer mon fils, me rassurer, rassurer l'ourse peut-être aussi. Toujours est-il qu'après une dizaine de mètres parcourus dans notre direction, celle-ci s'arrêta, nous regarda nous éloigner et s'enfonça dans la forêt vers son ourson dont les couinements cessèrent aussitôt. On n'entendit plus dans la vaste forêt que le chant de quelques oiseaux , mais nous étions déjà trop loin sur le chemin du retour pour les entendre. Les brebis passeraient la nuit sur l'estive et nous irions les chercher le lendemain. Il fallait rentrer maintenant."

     

    Conte de l'ourse

     

     

     


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  • Conte de la Reine aveugle

    Dans des temps très lointains, vivait une Reine aux yeux bleus comme de petits fragments de ciel d'été. Elle était très malheureuse car, à sa naissance, une méchante fée lui avait prédit qu'à son quarantième anniversaire elle perdrait la vue pour toujours, et que ses yeux seraient à jamais plongés dans l'obscurité la plus complète.
    Or, son quarantième anniversaire approchait. Il devait avoir lieu dans trois jours et trois nuits. Le Roi, à qui elle n'avait pas révélé cette terrible prédiction, avait décidé d'organiser un grand bal en son honneur mais celle-ci ne voulait rien entendre et ne cessait de pleurer des larmes qui formaient des rivières dans ses yeux d'azur. Le Roi, atterré, ne savait que faire. Aussi, il abandonna les préparatifs du bal et se rendit chez un Mage qu'il connaissait depuis qu'il était enfant pour lui demander conseil. Celui-ci habitait au fond d'une forêt près d'une fontaine. L'eau qui en coulait possédait paraît-il des propriétés miraculeuses.
    La Reine doit te cacher quelque chose, un secret, un malheur qu'elle ne peut te révéler, en conclut celui-ci, après avoir écouté le Roi.
    Mais quel secret, quel malheur ? s'exclama le pauvre Roi. Jusqu'à sa trente-neuvième année, la Reine a vécu heureuse, sans jamais quitter le Royaume.
    Le mystère est peut-être là, renchérit le Mage, mais je ne peux t'en dire plus. Rentre au palais maintenant.
    En chemin, le Roi ne cessait de penser aux paroles du Mage. Quel secret détenait la Reine ? Qu'avait modifié en elle le passage à la trente-neuvième année ?
    Il se souvint que la Reine s'était mis à avoir des goûts extravagants, les tissus n'étaient jamais assez chatoyants, les bijoux scintillants et et les paysages assez changeants. Elle faisait venir de toutes les provinces du Royaume et même de royaumes étrangers des marchands de couleurs et de pigments.
    Le Roi se dit alors que la Reine avait peut-être peur de vieillir ou de mourir et qu'elle cherchait à jouir des beautés de ce monde. Comment n'y avait-il pas pensé plus tôt ? Si seulement il possédait le secret de la jeunesse éternelle !
    Arrivant au palais, il se rendit immédiatement chez la Reine.
    Ma reine, je crois savoir ce qui vous cause tant de tracas, vous pensez peut-être qu'à quarante ans votre jeunesse s'éloigne et vous en êtes affligée ?
    Ce n'est pas tout à fait cela mon ami, dit la Reine, d'un air triste.
    Pas tout à fait cela ? Mais qu'est- ce donc ? demanda le Roi.
    Puisque vous vous donnez tant de mal pour moi, je vous avoue qu'une méchante fée m'a prédit que je perdrais la vue, pour toujours, à ma quarantième année, c'est à dire dans trois jours. Déjà ma vue se brouille et je vous aperçois à peine mon ami.
    En disant ces paroles, des larmes claires jaillirent du bleu de ses yeux, et le Roi en ressentit une blessure immense.

    Ma Reine, s'écria-t-il, nous allons passer chaque seconde de ces trois jours et trois nuits à regarder les nuances de chaque couleur qui se pose sur la terre. Nous étudierons les nuances de l'argile, de l'eau de roche, des arbres de la forêt, de chacune de leurs feuilles, la couleur de la lune, celle de la pluie et celle du feu. Vous perdrez peut-être la vue mais mon amour vous la rendra.

    Ainsi fut fait. Ils inventèrent pour ces trois jours et trois nuits un langage commun pour chaque subtile nuance et chaque couleur du monde. Et ils vécurent longtemps ainsi, heureux, et la Reine, bien qu'aveugle, ne perdit pas la vue.


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