• Envie d'un enfant à tenir dans mes bras, je reprends ce texte qui raconte ces premiers moments rares et précieux.

     

    Au loin, la pluie s'annonça par un regroupement de nuages gris sombre et la toute nouvelle petite fille, fut la seule semble-t-il à ne pas s'en apercevoir. Elle s'était endormie à peine née, emmaillotée de langes et de laine, couverte d'un bonnet qui faisait le tour de sa ronde petite tête, et semblait se contenter de cette chaleur. Célestine, sa mère se reposait aussi, et en regardant le ciel pensait à la pluie, qui dévalait les pentes herbeuses et passait comme des traits de flèches à travers les forêts, sombres comme la nuit, malgré l'heure matinale. Cette eau ne tarderait pas à se transformer en verglas sur le chemin pentu si le froid revenait, et c'était pas dit qu'il reviendrait pas même si on allait vers le printemps. Elle songeait à l'enfant nouvellement née. Elle aussi aurait préféré un garçon (moi j'étais très heureuse d'avoir une petite fille en premier). C'est comme ça. Un garçon, c'est bon pour la ferme, un fille il faut dépenser pour la marier. Elle prit la petite qui commençait à se réveiller, grogna un peu, chercha le sein, puis se mit à téter sérieusement, sentant avec évidence qu'il fallait dès à présent s'appliquer à vivre.


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  • Mon corps repose sur le petit canapé en rotin du jardin, les jambes relevées, je regarde mes pieds- petite mycose à l'orteil, qui ne passe pas, peau sèche, forme charnue, bronzage avec traces des sandales. Les jambes sont bien bronzées aussi, donc plus belles en été, mollet musclé, peau sèche aussi. Crème indispensable. Mon ventre rebondi trahit un peu trop de gourmandise, de pain, de vin, peu d'exercices, mais il fait partie de moi, donc je l'oublie, même s'il se voit sur les photos et je n'aime pas cela. Mes seins toujours bien charnus, pulpeux, mais lourds, présents. Mes bras ronds aux épaules joliment dessinées, des bleus, je me cogne quand je bouge trop vite parfois; les mains qui ont vieilli d'un coup il y a cinq ans, la peau assoiffée, les veines qui ressortent, un peu d'arthrose exactement le long du pouce de la main gauche, pas très mal, une petite brûlure quand il fait humide, des bagues bleues, c'est joli quand même. Des ongles en amande, beaux naturellement, sans entretien aucun, mes jolies petites amandes au bout des doigts, heureusement que j'ai quelques trésors à gaspiller. Mon cou qui s'épaissit et dont je voudrais qu'il reste ferme et lisse comme il a été, mon visage où seul le sourire avec le pli espiègle dans la joue n'a pas changé, tout le reste est plus vieux, plus usé, la bouche, le nez, les yeux. Les yeux surtout, je vois mal, je les trouve fatigués resserrés, je les voudrais grand ouverts, ils sont noisette, tirant sur le jaune, parfois maléfiques, pleins de sorcellerie, je plaisante. Mes lèvres sont toujours pleines et belles, pour combien de temps, mes joues douces, pour combien de temps; ma peau a quelques rougeurs ici ou là qu'il faut que je cache quand je veux vous plaire. Mes oreilles sont grandes, à l'affût, hyper connectées au réel, aux voix, aux sons, mes organes sensoriels n°1  je dirais, comme si j'étais un peu martienne ou sélénite. Mes cheveux, bruns, épais et souples, assez difficiles à coiffer, assez courts momentanément pour dégager le cou. Sans mes cheveux, je serais moins belle à coup sûr. Mal nulle part, en pleine santé, comme un fruit qui se flétrit au soleil de l'après-midi. Je voudrais que vous m'aimiez encore malgré le temps et ce portrait mi-élogieux, mi-terrifiant car j'ai le regret de ne pas avoir saisi le moment que j'étais belle et où vous m'aimiez sans que je le sache, sans savoir que je vous inspirais car je rêvais et je me pensais immortelle et si vous m'avez dit que j'étais belle, alors je ne l'ai pas entendu. Cela m'a échappé.


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  • J Cette immense fresque est visible du périphérique. J'écrirai un jour sur les Chibanis. Leur fierté blessée me touche infiniment.


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  • Un homme intéressant, engagé, une figure emblématique de la pensée anti-coloniale d'après-guerre. Antillais, il a étudié à Lyon puis est allé vivre et travailler comme médecin psychiatre en Algérie à Blida, le choix des régions périphériques et non du centre (la France, Paris) est en soi une ligne de vie et un engagement.

    "La densité de l'Histoire ne détermine aucun de mes actes. Je suis mon propre fondement. Et c'est en dépassant la donnée historique, instrumentale, que j'introduis le cycle de ma liberté."

    Frantz Fanon, portrait

    Fanon, Franz Fanon,

    Antillais, psychiatre, algérien

    Découvreur des masques blancs peaux noire

    Grand découvreur des damnés de la terre

    Il se peut qu'il soit méchant, Fanon

    Il a connu le nègre, la négritude, puis l'universellement humain. 

    En Algérie, Blida, où sont les pires colonisés, ceux qui sont devenus fous à force d'être méprisés puis détestés, devenus fous, méprisés, détestés.  

    Fanon, Franz FANON

    Jamais ne cesse de parler, jamais ne cesse de penser

    Son masque lui tombe du visage

    Il n'est pas là pour encenser les semeurs d'indignité.

     


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  • En ce temps là, j'étais en mon adolescence,

    le grand soleil brillait et j'étais souvent gaie

    J'aimais  plaire aux garçons

    Et sans trop leur parler, les embrasser, encore, les sentir près de moi, avec leurs chemises, leurs épaules légères, leurs pantalons,

    Dans les ascenseurs, les abris de bus, sur les pelouses et les appartements prêtés.

     

    J'eus une première amie en cette adolescence

    Que j'aimais beaucoup, et que je trouvais belle

     Joyeuse, brillante en tout

    Ma première comète, (d'autres viendront après), elle c'est la toute première

    J'allais chez elle, son père lisait Montaigne, ils écoutaient Brassens et des chanteuses américaines, sensuelles;  sa piscine était en forme de piano, sa chambre avait un papier peint à grandes fleurs rouges sur des volutes noires, on se cousait des maillots de bains en tissus liberty, et on se prenait en photo comme David Hamilton; c'était bien autrement que chez moi où on lisait surtout des magazines de droite, même si on connaissait ses classiques, où ma mère chantait Piaf en faisant la cuisine en talons hauts et ongles peints.

    Mes parents à cause de leurs différents

     Me prenaient à la gorge, m'empêchaient de bien vivre, de parler à voix haute

    Mais quelque part je m'en foutais tant que je pouvais partir avec Rimbaud  en caravelle, ou camionnette jusqu'en Arizona et dans l'herbe verte du Wyoming.

    Aucune idée pour plus tard, seulement des rêves encore, partir dès que possible, quitter ma famille ardennaise.

    Fuir cette chambre sombre pleine d'odeurs, de silence, où, dix fois par heure, je consultais le miroir et regardais mon ventre pour voir si ça ne se voyait pas, dix fois par heure. Les pleurs essuyés d'un revers d'une manche insensible, tout était devenu invisible.


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