• Grenoble

    Pendant longtemps je n'ai pas prêté attention à ma ville de naissance, Grenoble. Elle existait, elle était là, je la traversais sans vraiment la regarder; c'est tout. 

    Je disais que c'était une ville froide, pas spécialement jolie, mal fichue au niveau de la circulation, je n'avais pas envie d'y revenir.

    Et puis, un jour, il n'y a pas si longtemps de cela, j'ai décidé d'y reprendre une librairie. Les raisons profondes de ce choix m'échappent encore. Mes parents sont proches et je voudrais les voir plus souvent, ma soeur aussi, mais il y a sans doute d'autres motifs, ou absences de motifs. 

    Finalement, cette ville,  ma ville natale, m'attire malgré ses défauts mentionnés.

    Quand je marche dans ses rues à présent, j'essaie de retenir leurs noms, déjà entendus puis oubliés pendant tant d'années. 

    L'accent des gens d'ici me touche au coeur, il n'est pas spécialement beau pourtant, traînant et légèrement chantant mais j'y retrouve une trace d'enfance, une couleur que je connais. J'aime aussi la vivacité, un peu brusque des gens du sud-est; moins tranquilles que les gens de l'ouest où j'ai une maison et je reconnais leur roublardise de paysans, habitués à cacher les récoltes.  

    Grenoble et ses alentours (Vizille) a été une ville de révolutionnaires, la place du tribunal a connu sa révolte (du temps de celle de la Bastille), ses feux, ses crimes, et les cahiers de doléances des paysans y furent jetés dans la furie.

     Une ville de trafiquants aussi, depuis le célèbre Mandrin, contrebandier, qui habitait tout près quand il n'était pas en chemin. Et encore aujourd'hui c'est une ville de trafic, de mafieux, du fait de la proximité de l'Italie et des frontières. Les quartiers y sont durs, à l'écart et ils viennent peu en ville, si ce n'est en bande avec capuches et sweat XXL dissimulant tout. Des rixes et des règlements de compte éclatent régulièrement à Echirolles ou dans le parc Paul Mistral.

    C'est une ville très peu bourgeoisie. Les habitants d'origine sont commerçants, fonctionnaires ou entrepreneurs, souvent d'origine italienne. On compte aussi un bon nombre d'universitaires. D'autres grenoblois s'y sont installés progressivement pour le travail dans les usines chimiques du sud, vagues successives d'immigration; puis beaucoup d'ingénieurs et leurs familles dans les entreprises du nord-est de la ville, sa silicon valley, et maintenant à Europole, zone résidentielle et d'entreprises high-tech, proche de la gare et de l'école de commerce. 

    Avant ça a été aussi la ville de Bayard, le chevalier sans peur et sans reproches. Sa statue équestre

    se trouve place du Tribunal.

    Après ça a été la ville de naissance Stendhal, qui l'a toujours détestée pour la mesquinerie de sa famille paternelle qui l'habitait; alors qu'il adorait l'Italie. Grenoble lui rend régulièrement hommage, la ville n'est pas rancunière. Mais je n'appellerai pas ma librairie Stendhal, ni Le Rouge et le Noir, il n'aimerait pas pas et moi non plus. 

    Près de Grenoble, a vécu Henriette Doloras, peintre du début du XXème siècle, femme de Flandrin, et dont j'aime beaucoup les pastels. 

    Des résistants et résistantes s'y sont cachés, en route pour le Vercors.

     Les places de l'élite de la ville sont occupées aujourd'hui par des anciens camarades de classe de l'enseignement privé où j'étais, l'Externat Notre Dame. Je ne les connais plus mais j'imagine qu'au détour d'une rue, d'un magasin, je vais en revoir certains. Ils n'auront pas beaucoup bougé, moi trop. 

    J'y ai encore de bons amis, qui y vivent ou y reviennent régulièrement, c'est réconfortant. 

    Après avoir connu Carignon et ses magouilles, la ville a viré au vert et c'est le deuxième mandat du maire Piolle, qui a transformé la ville et vraiment fait de la politique et des choix qui engagent. Beaucoup d'idées et de réalisations intéressantes, d'autres plus discutables, mais la ville a voulu ce changement et qu'il continue. 

    La ville, comme je l'ai dit ni très belle, ni très accueillante, grands boulevards, embouteillages, taux de pollution maximal, rues froides où siffle un vent glacial l'hiver et rues caniculaires l'été où marcher demande un effort surhumain, tellement il fait chaud. Mais tout ceci, c'est sans l'écrin où repose la ville, un écrin de massifs alpins du quaternaire, érigés tout autour, avec leurs formes majestueuses et gigantesques. Les saisons défilent au gré des couleurs de ces montagnes, blanches, grises, vertes, illuminées par le soleil ou gouffres d'ombres, qui paraissent proches ou plus lointaines selon le taux d'humidité dans l'air. La ville en tire sa beauté, sa fierté, sa profonde originalité. 

     

    J'ai grandi dans cet écrin, et pourtant c'est maintenant que je prends conscience de sa beauté, on peut dire que je ne suis pas rapide...car enfin, après tant d'années, je suis tombée amoureuse de Grenoble. 

     

     

     

     


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